Neurosciences et apprentissage : décryptage des mécanismes cérébraux pour optimiser son potentiel d’apprentissage
Date de parution
13/03/2024

Dans un monde où l'évolution constante des technologies et des sciences influence chaque aspect de notre quotidien, les neurosciences sont indispensables pour mieux comprendre l'apprentissage à travers toutes les étapes de la vie. Pour en apprendre un peu plus sur ce sujet, nous avons eu la chance d'échanger avec Pierre-Marie Lledo, figure de proue dans le domaine. Son rôle en tant que directeur du département des neurosciences à l'Institut Pasteur, directeur de recherche au CNRS, et membre éminent de l'académie européenne des sciences, marque une contribution inestimable à notre compréhension du cerveau. Auteur de "Le cerveau, la machine et l’humain", Lledo nous ouvre les portes sur les moyens de choyer notre cerveau pour optimiser notre potentiel d'apprentissage, indépendamment de notre âge.

Les neurosciences appliquées à l'apprentissage
Plongeons maintenant au cœur de l’application concrète des neurosciences dans le domaine de l’apprentissage, où science et éducation se rencontrent pour révolutionner nos méthodes d’enseignement. Découvrons ensemble comment ces découvertes favorisent la formation (digitale, hybride ou présentielle) et quelles sont les nouvelles voies pour enrichir et personnaliser l’expérience éducative.
Qu'est-ce qui peut favoriser l'apprentissage ?
La synergie entre l’environnement, les expériences de vie, et les avancées scientifiques, telles que les psychostimulants, joue un rôle crucial dans la stimulation de la neurogenèse. Comme le souligne Pierre-Marie Lledo dans son exploration des molécules capables de renforcer le pouvoir du cerveau, notre environnement et les diverses expériences vécues agissent comme des catalyseurs pour le développement neuronal, rappelant l’importance d’un contexte riche et stimulant dès le plus jeune âge.
Les psychostimulants, qu’ils soient d’origine naturelle ou synthétique, jouent un rôle complexe dans l’amélioration des capacités cognitives. Historiquement, l’Homme a toujours cherché à optimiser les fonctions cérébrales pour assurer sa survie et son développement. Cette quête a mené à l’utilisation de divers stimulants :
- Des méthodes traditionnelles comme la lecture, l’apprentissage d’une langue, le tricot …
- Des substances naturelles : le cacao, la caféine, le ginseng …
- et, plus récemment, les neurotropes artificiels.
Ces derniers, en particulier, sont devenus courants dans les milieux académiques, avec une proportion notable d’étudiants aux États-Unis qui les utilisent pour augmenter leur concentration et réduire leur besoin de sommeil, cherchant ainsi à améliorer leur performance éducative. Cette révolution cognitive nous interpelle sur la nécessité d’équilibrer innovation et éthique dans la quête d’un apprentissage amélioré.
Nutrition, microbiote et capacités cognitives
L’impact de la nutrition sur les capacités cognitives et le processus d’apprentissage est un domaine de recherche qui a captivé l’attention des scientifiques, révélant des liens profonds entre ce que nous mangeons et comment nous pensons et apprenons. Chez les enfants, l’alimentation joue un rôle crucial non seulement dans leur croissance physique mais aussi dans leur développement cognitif, soulignant l’importance de la compétence à un niveau nutritionnel dès le plus jeune âge.
Cette relation est en partie médiée par le microbiote intestinal, un écosystème complexe d’organismes vivants qui interagit étroitement avec notre cerveau dans une symbiose mutualiste impressionnante. Les psychobiotiques, des substances chimiques produites par ces bactéries, influencent de manière significative la production de sérotonine et d’autres neurotransmetteurs essentiels pour la régulation de l’humeur et la fonction cognitive. Il existe trois grandes familles de psychobiotiques :
- Postbiotiques : substances produites par les probiotiques pendant leur processus de fermentation qui peuvent bénéficier à la santé.
- Prébiotiques : provient des aliments ou composants alimentaires non digestibles qui favorisent la croissance ou l’activité de bonnes bactéries dans l’intestin.
- Probiotiques : Micro-organismes vivants, souvent des bactéries bénéfiques, qui, lorsqu’ils sont consommés en quantités adéquates, confèrent un bénéfice pour la santé.
Ainsi, l’adoption d’une alimentation riche en probiotiques et prébiotiques peut non seulement favoriser la diversité du microbiote mais aussi avoir un impact profond sur le développement cognitif et les capacités d’apprentissage, offrant une avenue prometteuse pour améliorer l’éducation et le bien-être mental dès les premières années de vie.
Mémoire et apprentissage
La compréhension et l’utilisation efficace de la mémoire jouent un rôle fondamental dans l’apprentissage à tous les âges de la vie. Depuis le bébé qui apprend à reconnaître les visages et les voix, jusqu’à l’adulte qui acquiert de nouvelles compétences, la mémoire façonne notre capacité à interagir avec le monde. La mémoire peut être classée en deux grandes catégories :
- La mémoire à court terme, souvent appelée mémoire de travail, qui permet de retenir temporairement l’information.
- La mémoire à long terme, où les informations sont consolidées pour une récupération durable.
La mémoire à court terme agit comme un tampon temporaire, permettant, par exemple, de retenir un numéro de téléphone le temps de le composer. La mémoire à long terme, quant à elle, est plus complexe et peut être subdivisée en mémoire explicite, qui concerne les faits et événements que nous pouvons consciemment rappeler (comme apprendre un poème), et en mémoire implicite, qui concerne les compétences et habitudes acquises (comme faire du vélo) sans que nous ayons besoin d’y penser activement.
Mémoire à court terme (de travail) | Mémoire à long terme |
Retient temporairement l’information, essentielle pour les tâches cognitives complexes. Ex : code de la route, bachotage | Explicite (déclarative) : Faits et événements spécifiques |
Implicite (procédurale) : compétences et habitudes |
Pour renforcer la mémorisation et l’apprentissage, des stratégies telles que la répétition espacée, l’utilisation de mnémoniques, et la liaison de nouvelles informations à des connaissances existantes peuvent être particulièrement efficaces. La pratique régulière et la révision permettent non seulement de consolider l’information dans la mémoire à long terme mais aussi d’optimiser les capacités de rappel. Cela souligne l’importance pour les enseignants d’intégrer ces techniques dans leur pédagogie, afin de maximiser l’impact sur le développement cognitif et la compétence à un niveau individuel.
Vers une pédagogie inspirée par les neurosciences
Pour finir, intéressons nous à la pédagogie réinventée par les neurosciences (la neuropédagogie), laissant place à des méthodes d’enseignement plus intuitives et efficaces. Plongeons au cœur de stratégies innovantes qui promettent de transformer l’éducation, en harmonisant science du cerveau et processus d’apprentissage.

Quel est le rôle du cerveau dans l'apprentissage ?
Émotion et attention
Le rôle du cerveau dans l’apprentissage est profondément influencé par l’émotion et l’attention, deux forces puissantes qui façonnent l’efficacité avec laquelle nous engrangeons les connaissances.
- L’émotion, qu’elle soit issue d’une erreur commise ou d’une mélodie qui résonne, agit comme un catalyseur puissant, renforçant la connexion neuronale et gravant les leçons dans notre mémoire à long terme. Cette capacité à évoquer une réponse émotionnelle forte, positive ou négative, assure que l’action d’apprendre est non seulement retenue mais aussi ancrée avec une signification plus profonde.
- L’attention, souvent mise à l’épreuve dans notre monde saturé d’informations, requiert une discipline de concentration sans faille. L‘engagement émotionnel suscité par l’apprentissage augmente la concentration, tandis que la tentative de multitâche, comme étudier tout en écoutant de la musique, peut créer des interférences nuisant à l’assimilation des informations.
Ensemble, émotions et attention tissent la toile de notre capacité à apprendre, soulignant l’importance cruciale de créer un environnement éducatif qui valorise et intègre ces éléments dans le processus d’apprentissage.
Le rôle de notre hygiène de vie
Notre cerveau et notre corps ne fonctionnent pas en isolation mais en synergie, suggérant que le maintien d’un équilibre sain est fondamental pour combattre le déclin cognitif et s’adapter aux nouvelles connaissances. L’importance de l’hygiène de vie pour le bon fonctionnement du cerveau est une constatation centrale des recherches en neurosciences, mettant en lumière la nécessité de soigner notre corps en fonction d’un objectif de bien-être cognitif :
- Alimentation équilibrée : Fournit les nutriments essentiels et maintient un microbiote intestinal diversifié, essentiel pour la santé cognitive.
- Exercice physique régulier : Améliore la motricité globale, stimule la neurogenèse et augmente le flux d’informations en provenance de différentes régions du cerveau.
- Sommeil de qualité : Permet la consolidation de la mémoire et la régénération neuronale, en éliminant les toxines accumulées pendant la journée.
Les neurosciences au service de l’hygiène de vie nous enseignent également les comportements à éviter pour préserver nos facultés cognitives :
- Lutte contre l’obésité : L’inflammation chronique liée à l’obésité peut nuire au fonctionnement cérébral.
- Réduction du stress chronique : Trouver des stratégies efficaces pour gérer le stress est crucial, car une exposition prolongée peut altérer les fonctions cognitives.
- Évitement de l’isolement social : Le cerveau humain étant intrinsèquement social, l’isolement peut avoir un impact négatif sur notre santé mentale.
- Limitation de la consommation d’anxiolytiques et d’antidépresseurs : Ces médicaments, bien qu’utiles sous supervision médicale, peuvent, à long terme, affecter le rythme naturel de l’activité cérébrale.
Repenser les modèles d'enseignement, d'éducation et de formation
Quel est l’apport des neurosciences à l’école et chez l’enfant ?
La révolution apportée par les études neuroscientifiques dans le domaine éducatif nous pousse à remettre en question les modèles traditionnels d’enseignement, où l’apprenant est souvent un participant passif. L’erreur n’est plus perçue comme un échec, mais comme une étape essentielle de l’apprentissage, un processus actif et engagé. Prenons l’exemple de la musique, qui, intégrée dans un contexte éducatif, peut stimuler les connexions neuronales et favoriser la consolidation de nouvelles informations chez l’enfant et chez l’adulte. De même, accorder une importance à une bonne nuit de sommeil entre les séances d’apprentissage illustre parfaitement comment les découvertes neuroscientifiques, comme la théorie de la courbe de l’oubli d’Ebbinghaus, peuvent être appliquées pour optimiser la mémorisation et le rappel à long terme en utilisant notre inconscient.
Les pratiques pédagogiques doivent donc s’orienter vers des méthodes qui respectent le rythme naturel de consolidation de la mémoire, telles que l’espacement des sessions d’apprentissage. Cette stratégie non seulement facilite une meilleure absorption de l’information mais soutient également sa rétention sur le long terme. En se concentrant sur les centres d’intérêt de l’enfant et en rendant l’apprentissage plus interactif, les enseignants peuvent transformer l’éducation en une aventure captivante, préparant ainsi le terrain pour une société future épanouie, où chaque élève est acteur de son parcours éducatif, nourrissant ainsi une soif inépuisable de connaissance.
Favoriser un apprentissage durable tout au long de la vie
L’apprentissage durable se révèle comme un pilier essentiel dans notre ère de changements constants, nécessitant une flexibilité cognitive où le concept de désapprendre devient aussi crucial que celui d’apprendre. Cette capacité à désapprendre, à élaguer les connexions neuronales obsolètes pour en tisser de nouvelles, sert de support pour la construction d’un savoir adaptatif et évolutif.
La pédagogie positive, axée sur un ressenti émotionnel enrichissant, devient une source d’engagement et de motivation pour l’apprentissage continu. Elle illustre comment le fait de changer notre perspective sur l’erreur, la considérant non comme un échec mais comme une étape nécessaire au processus d’apprentissage, peut transformer nos expériences éducatives.
En intégrant ces notions, nous préparons les individus à mieux prédire et naviguer à travers les défis futurs, soulignant l’importance de se former continuellement pour rester pertinents et prospères face aux changements incessants de notre monde.
Découvrez notre podcast Never Stop Learning
L’écriture de cet article repose sur l’échange entre Pierre-Marie Lledo, auteur du livre « Le cerveau, la machine et l’humain » et Gérard Peccoux, président de Callimedia, durant l’épisode 68 de notre podcast Never Stop Learning.
Si vous souhaitez en savoir plus sur les neurosciences et le Digital Learning, découvrez notre échange avec Céline Fouquet, lisez notre article sur les 4 piliers de l’apprentissage selon Stanislas Dehaene ou découvrez nos livres blancs.
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